L'après-midi... besoin de calme... besoin de trouver Ysabelot.
Son état d'esprit? Pas très positif et ce depuis quelques jours déjà.
Elle en avait marre, marre de cette guerre qui n'en finissait pas. Marre d'avoir autant de responsabilités sur ses petites épaules, elle qui préférait bien picoler en taverne plutôt que de passer ses journées et ses soirées à rédiger des contrats. Certes, elle aimait bien ce qu'elle faisait mais il y avait des limites.
C'était lourd, très lourd et depuis deux semaines, elle n'avait pas l'impression d'être tout le temps reconnue à sa juste valeur.
On lui avait donné en urgence les clefs du bureau du Cac, elle avait tout vidé en un temps record, apprenant sur le tas à gérer marchandises, encombrement, mandats, termes juridiques, prix ducaux. Sans aucune préparation, sans aucune aide, sans aucune recommandation.
Ah si, la Duchesse s'était acharnée sur elle, aidée par le bailli, pour avoir des "rapports" une semaine après l'opération. Alors même qu'elle avait été absente elle-même la plupart du temps.
De tout cela, elle commençait à en avoir drôlement marre, comme des soudaines sautes d'humeur des gens, de leur susceptibilité mal placée alors même qu'elle s'en prenait beaucoup dans la figure dans le cadre de ses fonctions sans pour autant que cela n'affecte son travail.
Enfin... les élections approchaient et elle ne voyait pas cela d'un bon oeil. Elle avait refusé d'être sur une liste dans laquelle figuraient des gens du conseil, par principe, parce que personne ne l'avait aidée, soutenue, parce que personne n'avait su calmer le jeu quand cela devenait n'importe quoi. Avoir une place au conseil oui, mais pas à n'importe quel prix.
Et puis un soir, elle avait rencontré le Fou. Il avait fallu en vaincre des réticences. Oui, Ysabelot le savait maintenant, ce n'était pas facile. L'aimait-elle encore? Peut-être n'avait-elle jamais cessé de l'aimer. Elle s'était perdue, avait toujours cru pouvoir l'oublier. Mais finalement, il suffisait qu'il réapparaisse, qu'elle apprenne qu'il existait encore pour que tout devienne insipide autour d'elle. Et cela n'allait pas s'arranger... Enfin, peut-être, peut-être pas. Rien n'était sûr. Mais tout de même...
De ce secret, seule Ysabelot était dépositaire. Elle n'en avait parlé à personne d'autre. Personne ne savait quelle souffrance elle endurait, elle cachait cela si bien derrière la quantité de travail qu'elle abattait chaque jour.
Elle s'était même vengée.. cela aussi, Ysabelot le savait.
Et malgré cela, malgré cette colère, elle culpabilisait, parce qu'elle ne l'avait probablement jamais aimé plus qu'à ce moment là.
Qu'importe ses défauts, qu'importe le reste, c'était Lui, Lui et probablement personne d'autre, du moins elle le croyait et cela l'effrayait.
C'est pourquoi, elle venait, discrètement, rendre visite à son amie, loin de Saumur, loin du Conseil, dans un endroit où elle savait que leur conversation n'allait pas tomber dans le creux d'oreilles indiscrètes.
Aux portes du domaine... Elle se fait annoncer.
Je suis Clélia de la Croix de Bramafan, je viens voir Ysabelot...
Soulager son coeur, une bonne fois pour toute.